Vos
poèmes

Et revoilà le joli mai
Porteur de toutes les audaces
Dont la mémoire me transmet
Nombre d’indélébiles traces.

Venus de mes vertes années,
J’ai des souvenirs de cerises
Qu’on vandalisait par poignées
Quand mai ramenait ses valises.

C’étaient de solides ventrées,
De délictueuses agapes
Dans les branches enchevêtrées
Où nous étions pendus par grappes.

Les bouches avides mordaient
La rouge chair fraîche et juteuse
Et, riantes, s’accommodaient
De ces voluptés peu coûteuses.

Je n’ai jamais pu retrouver
La belle ivresse désinvolte
Ni, depuis ce temps, observer
D’aussi mirifiques récoltes.

Les printemps se sont succédés,
Mes cerisiers en coupes sombres
Ont été souvent dégradés
Par des catastrophes sans nombre :

Les pluies, les tardives gelées
Que promettent les saints de glace,
La grèle en folles giboulées,
Les étourneaux et les agaces ;

Chaque fois un fléau nouveau
Mine mes rêves d’abondance ;
Hélas, la disette prévaut
Dans mon jardin en pénitence.

Mais bien que mon temps se réduit
Et que les années s’incrémentent,
L’espoir ne m’a pas encor fuit
D’une autre moisson importante.

Aussi quand revient mai, toujours,
Mon cœur émoustillé s ‘irise,
Même si je sais qu’il est court,
Le délicieux temps de cerises.