Le voyage des mots
Je songe quelquefois aux mots venus d’ailleurs,
Qui ont franchi les mers, les déserts, les frontières,
D’oreilles de marchands en bouches de pilleurs
Pour pimenter un peu la langue de nos pères.
D’oasis fréquentées en caravansérails,
Ils sont venus d’orient par des routes propices
Comme des biens précieux, des perles de corail,
Des étoffes de soie ou de riches épices.
Les comptoirs commerciaux, échelles du levant,
Les ont vus ballotés de jonques en frégates,
Affrontant les typhons et les écueils crevants
Aux côtés des marins autant que des pirates.
Ils ont accompagnés dans leur cruel exil
Les esclaves tirés de leur terre d’Afrique
Et séduits les guerriers qui ont mis en péril
Les peuples du Pérou et de l’ancien Mexique.
Ils sont nés du malais comme de l’algonquin,
De l’hindi, du chinois, du bantou, du malgache,
Attestant que le monde en habit d’Arlequin,
Dans sa diversité, est cousu de panache.
Des idiomes voisins ont pu les propager,
L’espagnol, l’italien, le portugais, l’arabe,
Où ils se sont glissés, clandestins passagers
Pour imposer ici leurs chantantes syllabes.
En arrivant chez nous, ils ont connu le sort
De tous les émigrants, humbles et vulnérables,
Accueillis par les uns comme un utile apport,
Par les autres, plutôt traités d’indésirables.
Que de siècles passés en discours cahoteux,
De pérégrinations et revers de coutume
Ont connu tour à tour ces mots aventureux
Pour jaillir aujourd’hui bien vivants sous ma plume !
Poème inspiré par le livre d’Henriette Walter :
« l’aventure des mots français venus d’ailleurs »
