Le vice
Je n’entretiens pas de danseuse
Ni ne m’adonne à la boisson,
Je n’ai pas la fièvre joueuse
Pour les courses de canassons ;
Le baccara ou la roulette
Sont le dernier de mes tourments
Et la plus humble cigarette
Me fait tousser atrocement.
Cependant, un vice me ronge,
Hélas, il m’en faut faire état,
Le nier serait un mensonge,
Je suis accro au chocolat.
Journellement, à heure fixe,
Par ma dépendance, marqué,
Comme envoûté par une nixe,
Il me faut ma dose à croquer.
Mais, attention, pas du vulgaire
Et butyreux chocolat blanc
Ni celui au lait qui n’a guère
De succès qu’auprès des enfants.
Non, j’en ai pour le noir d’ébène
A l’amertume raisonnée,
Le noir de la terre africaine,
Riche, sensuel, obstiné.
Je n’y veux pas avoir affaire
Avec le jus d’une liqueur,
L’alcool, je le bois dans un verre
Si par hasard, j’en ai le cœur.
Je suis amateur de noisettes
Comme un écureuil patenté
Mais n’apprécie pas qu’on en mette
Dans la manne chocolatée.
A peine quelquefois me tente,
Pour un plaisir plus étoffé,
Un parfum d’agrume ou de menthe
Ou un discret goût de café.
Je ne suis pas pourtant adepte
Des fondants et autres brownies
Et de cacao n’en accepte
Pas plus dans les glaces, nenni !
Bien sûr, pour Noël, je succombe,
Fête des plaisirs raffinés,
A la généreuse hécatombe
Des truffes et des pralinés.
Mais c’est une inutile quête
Que ce tourbillon confondant,
Rien ne vaut l’épaisse tablette
Que l’on attaque à pleines dents.
