Vole, mon pigeon voyageur Et de ton coup d’aile vengeur, Va-t-en apporter à ma belle Dans son impossible séjour Cette déclaration d’amour Que depuis trop longtemps je gèle.
Attaché à ton frêle pied, Un petit rouleau de papier Est mon seul motif d’espérance, Quelques mots pour lui signaler Combien mon cœur est désolé De son interminable absence.
Dans ton périple périlleux, Évite l’amas nuageux, Facteur de tempête et d’orage, Qu’un grain pernicieux et violent N’aille pas rompre ton élan Et te refermer le passage.
Méfie-toi des oiseaux de proie, Plus forts et rapides que toi, Dont tu ferais le casse-croûte, Garde un œil ouvert dans le dos Contrairement à ces badauds Qui peuvent musarder en route.
S’il te vient une brusque faim, Écarte-toi des champs afin De ne pas manger de ces graines Qui sont imbibés de poison Par des gens qui n’ont de raison Que pour grossir leur bas de laine.
Craint également les chasseurs Qui au travers de leur viseur Peuvent s’employer à te nuire. Tout ceci n’est pas reluisant, Le monde est plein de malfaisants Qui ne songent qu’à tout détruire.
Tu pars au devant de dangers Mais, mon fidèle messager, Il en est un plus grave encore, C’est que sans nouvelle de moi, Celle qu’il te faut joindre soit Séduite par un matamore.
Si tu échoues dans ta mission, Il me faudra sans rémission Renoncer à ma toute belle ; Vois le statut qui est le tien Car pour ainsi dire tu tiens Mon destin au bout de ton aile.