Le géographe
Il a toujours le nez fourré dans un atlas,
Consacrant ses loisirs à l'étude des cartes,
Comme un qui a trouvé son chemin de Damas
Et de sa vocation nullement ne s'écarte.
Des littoraux tortus, il guette les tracés,
Du golfe du Mexique aux anses chypriotes
Et de Bab el Mandeb aux bouches du Yangtsé,
Toujours admiratif de la forme des côtes.
Il connaît, du relief, le code des couleurs
Depuis le bleu profond des fosses maritimes,
Le vert des bas pays, le marron des hauteurs
Et le blanc ivoirin des virginales cimes.
Aux courbes de l’Amour, du Ganges, de l’Hudson,
Du Nil ou du Niger, son intérêt s’abreuve,
Sensible à la passion d’un Park ou d’un Burton
Qui ont lié leur nom à la magie d’un fleuve.
Il suit le voyageur que la fièvre poussa
A aller visiter les villes de légende
Des murs de Tombouctou aux temples de Lhassa,
Des frises de Shibam aux ors de Samarcande.
Familier du Pamir, des ergs et du Hoggar,
Il sait localiser d’un doigt imperturbable
Chinguetti, Timimoun, Ghardaïa ou Kachgar,
Les oasis cachées dans l’ocre de leur sable.
Petra, Machu Pichu, Zimbabwe ou Angkor,
Stonehenge, Nazca, comme autant d’Atlantides,
Témoignages muets qui livrent les trésors
De peuples disparus, touchent son cœur candide.
De même que son goût du large s’aguerrit
A l’étude des mers, son odorat s’éduque
Aux noms de Zanzibar et de Pondichéry,
Curaçao, Moka, Colombo, les Moluques.
Dans la méditation où il se réfugie,
Il a une affection spéciale pour les îles
Qu’elles soient Lofoten, Eoliennes, Fidji,
Marquises, Caïmans, de la Sonde ou Sicile.
Il met un point d’honneur à connaître recta
Les capitales de tous les pays du monde,
Testez-le sur Vaduz ou Tegucigalpa,
Il n’hésitera pas une demi seconde.
C’est son trip, son hobby et son pain quotidien,
Un univers borné par des fuseaux horaires,
Parallèles, degrés, tropiques, méridiens,
Quatre points cardinaux et deux cercles polaires.
