Vos
poèmes

Je me voudrais un artisan
Qui apprivoise la matière
Pour pratiquer loin des brisants
La navigation hauturière.

Jour après jour, sans déroger
A mon idéal de conduite,
Je m'escrimerais à forger
Le véhicule de ma fuite.

Dans la plantation du langage,
Je choisirais mes idées fût
Et les essences en usage
Préssenties par mon rêve infus.

Et je travaillerais mes pièces
Avec patience et précision
Sans lésiner sur la largesse
Du temps émis à profusion.

Tranchant, j'affuterais mes rimes
Et je chevillerais mes vers
Avec la justesse qui prime
Pour qu'ils s'emboitent sans travers.

Sur cette rigide ossature,
Je plaquerais mes derniers mots
Comme, jointes sur la membrure,
Viennent les lattes en biseau.

Et sur ce vaisseau romanesque,
Je gagnerais la haute mer
Où naissent les mouvantes fresques
Que l'on voit nager dans les airs.

Je batirais mon expérience
A l'exemple des timoniers
Qui voguent avec assurance
Dans un milieu pour initiés.

Alors je pourrais exalter
Ce sentiment peu établi
Qui confère à la dignité
La fibre d'une vie remplie.

Mais je n'ai qu'un fragile esquif
Qui butte sur les déferlantes,
Me rejettant plus mort que vif,
Rompu, sur la grève luisante.