Vos
poèmes

Il y avait un très bel orme
Jadis au fond de mon jardin
Qui, par sa hauteur et sa forme,
Rendait jaloux tous les voisins.

Son imposante silhouette
Réservait le meilleur accueil
Aux nichées de bergeronnettes
Comme aux ballets des écureuils.

Mais la maladie eut raison
De sa majesté opiniâtre
Et sa piteuse frondaison
Nous contraint à le faire abattre.

Alors son bois sec a donné
Quelques temps après ses obsèques
Des planches joliment veinées
Pour faire une bibliothèque.

Depuis ce jour, dans mon salon,
Trône ce meuble où sont serrées
Les oeuvres, d'un riche filon,
De tous mes auteurs préférés.

Ainsi, écrivains et poètes,
Conteurs savoureux et vivants,
Voyageurs à la plume en fête,
Dont l'âme est forte et l'art savant,

Sont rassemblés là où naguère
Gitaient nombre de passereaux
Et continuent à leur manière
De jeter leurs chants les plus beaux.

Je les entends ces rossignols
S'égosiller sans plus finir
Dans des mélodies de haut vol
Qu'ils ne peuvent pas contenir.

Et eux aussi vivent sans lien
Au dessus des gens ordinaires
Sur un piedestal aérien
D'où ils voient plus tôt la lumière.

Il faut être reconnaissant
A ces vigies attentionnées
Qui ouvrent de leurs yeux perçants
Des horizons insoupçonnés

Et de cet arbre, saluer
Le destin combien enviable
D'après sa mort, perpétuer
L'oeuvre d'une vie honorable

Car il est toujours habité
Comme du temps de sa splendeur
Par toute une communauté
Résolument haute en couleur.