Vos
poèmes

Le train m’a déposé gare de Charleville,
Modeste pèlerin que le voyage exile,
Et je ne tardai pas à être dans le ton
De ma quête orientée vers l’illustre piéton :
Dans le square voisin, un buste de métal
Faisait sa promotion sur un fin piédestal.
Aléatoirement, en automne venu,
Arpentant les trottoirs, les voies, les avenues,
Je n’avais pas d’espoir au cours de ma balade
De trouver les tilleuls verts de la promenade,
Tout juste le cou blanc brodé de mèches folles
D’une belle passante au regard qui enjôle.
Sur la tombe, des fleurs, des morceaux de papier,
Des poèmes peut-être ou des mots d’amitié,
Témoignages laissés par des admirateurs
Pour lesquels le Voyant fut un révélateur.
De la Place Ducale au Moulin de Gonzague,
Nul risque que mon pas décidé ne divague,
Ce n’est pas sur les eaux du fleuve muselé
Qu’a pu le Bateau Ivre être bringuebalé.
Je me souviens d’avoir découvert au musée
Sa valise de cuir, par la Bohème, usée
Et, d’une encre palie, sur une feuille frêle,
Le simple et émouvant manuscrit des Voyelles,
Quatorze alexandrins, infime document
Mais qui s’est propagé au monde largement.

Le lendemain, je pris par le chemin de fer
Le clé des champs pour un mécanique transfert
En wagon où un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux pour qui cherche et qui ose.
Il me fallait marcher, m’élever sur les cimes,
Manger de la distance en égrenant des rimes ,
Etre pris tendrement sous l’aile de la nue,
Rêveur, laisser le vent baigner ma tête nue,
Mesurer ma semelle aux rondeurs de l’Ardenne,
Avoir de l’horizon, une vision lointaine,
Tout le jour sillonner les terres et les bois,
Faire des grands chemins un généreux emploi.

Le soir, redescendu au creux de la vallée,
-Dans la nuit de novembre et la brume, coulée-
Je rentrais vers la ville en bordure de Meuse,
Longeant discrètement cette Meuse endormeuse,
Meuse qui toujours passe et qui ne part jamais,
Que Jeanne la bergère en son enfance aimait
Et bien que pour Rimbaud, j’avais fait le détour,
Voici qu’avec Péguy j’achevais mon séjour.