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Paul HENRY-MEUNIER

Kaléidoscope: Le grand métier

Sur la jetée déserte, en ce moment d'automne,
Les vieux marins d'Yport, du Havre ou de Fécamp,
Contemplent le miroir de l'onde qui frissonne
Et ranime les images d'un autre temps.

***

Chacun se reconnaît, mousse à treize ans à peine,
Le coeur serré, monter à bord d'un chalutier,
Partir vers l'inconnu des terres inhumaines,
Résolument forger son corps au grand métier.

Solides matelots, laboureurs de la mer,
Ils vont pendant des mois sillonner l'océan,
De la Norvège à la pointe de l'hémisphère,
Du Groënland jusqu'aux rives du Saint Laurent.

Fidèles compagnons du froid qui désespère,
Au large de l'Arctique ils croisent longuement,
Sous les pluies et les vents, tribuns de la misère,
A la recherche de l'accore des grands bancs.

Les icebergs géants, le pack ou la banquise,
Par un rideau de brume ou de neige masqués,
Jalonnent le parcours, noyés dans l'ombre grise,
Invisibles écueils de la pêche risquée.

Souvent les mains gonflées refusent le service,
Les muscles sont figés par la bruine glacée,
Mais tant que le chalut continue son office,
La bordée se maintient au rythme ordonnancé.

Navigants courageux, prisonniers des tempêtes
Que le blizzard déchaîne sur les flots confus,
Ils sont tous au combat, dans les creux, sur les crêtes,
Luttant pour leur survie face au péril couru.

***

Quand l'horizon se couvre et l'orage menace,
Ils ont le souvenir de ceux qui ne sont plus,
Marins perdus en mer dont ils gardent la trace,
Un marbre gravé d'or pour tous les disparus.