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Patrick LAURAIN

Le pilier de bar

C’est le premier venu et le dernier parti
Toujours dans le même coin, le coude bien calé
On demande plus s’qu’il boit, il est déjà servi
Un petit blanc sans nom mais qu’il désire bien frais.
Il reste debout au bar. Il n’a encore rien dit.

Il faut un peu de temps et quelques verres de plus.
Une fois qu’il est parti, on ne le retient plus.
Il dit tout ce qu’il pense, crie sa joie, sa souffrance
Il insulte, vitupère, invective l’assistance.

Il nomme par leur prénom le patron, sa bergère.
Il raconte un passé, Alger ou l’Indochine.
Il se dit vieux mataf, marsouin ou légionnaire
Esquisse un pas de danse, boléro ou biguine

Puis il titube un peu, se cramponne au comptoir
Renverse sa chopine, pleure sur une concubine.
Déjà il est onze heures c’est l’heure du Ricard
« Faut pas mettre beaucoup d’eau ! C’est pas de la bibine. »

Le patron sympathique comme à son habitude
Lui donnera une part de son menu du jour.
Plongé dans son assiette il dit sa gratitude
A la patronne du rade, avec ses mots d’amour.

L’après-midi se meuble de siestes et de verres vides
On change de couleur, du blanc on passe au rouge
Et la nuit envahi peu à peu son esprit.
Il va falloir partir il va falloir qu’il bouge.

Alors dans la nuit sombre il traîne sa solitude
Le trottoir est une mer sans cesse en mouvement
Il tombera parfois comme à son habitude.
Sur son lit effondré il dormira longtemps
D’un sommeil secoué par des sanglots d’enfant.