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Pascal Blaise BEBOUA

Agape

Quand l'écho de ma voix emplirait l’agora,
Ou, sous l’arbre à palabre, ambrerait le village ;
Quand je ferais l’info qui forme la doxa,
Et augure, enchantée, la voie d’un nouvel âge ;

Quand mon âme en extase absorberait les cieux ;
Quand ma transe, ou prière, initierait les anges
Au langage ineffable de l’Esprit ambitieux ;
Quand saints et spirituels mes vœux seraient étranges :

Si je n’ai pas l’amour, alors je ne suis rien ;
Si je n’ai pas l’amour, le vent est mon seul bien.

Et quand j’aurais le don de toute prophétie,
La science de l’obscur et de tous les mystères ;
Quand je connaitrais bien les secrets de la vie :
Où commence le temps, où s'arrête la terre ;

Ou, quand j’aurais la foi qui soulève les monts,
Qui commande à la mer, fait obéir le vent,
Dessèche le figuier, pourchasse les démons,
Ressuscite les morts, et nourrit sans argent :

Si je n’ai pas l’amour, alors je ne suis rien ;
Si je n’ai pas l’amour, le vent est mon seul bien.

Quand même au miséreux je léguerais mon or ;
Quand ma main serait vide, à force de donner,
Et mon ventre, creux, pour n’avoir pas mis dehors
La veuve et l’orphelin du monde abandonnés ;

Oui, quand je livrerais mon corps sur le bucher ;
Quand je ne craindrais ni la mort sur l'échafaud,
Ni le feu, ni la faim, ni l'épée, ni l’archer,
Ni l’homme qui pour l’homme est toujours une faux :

Si je n’ai pas l’amour, alors je ne suis rien ;
Si je n’ai pas l’amour, le vent est mon seul bien.


1990