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Olivier PANTANI

Pour une poignée de terre

Noir. La toile se lève, une étoile s’élève,
Émergeant des décombres d’un monde sans rêve.
Les lumières s’estompent, les ombres se fanent,
Sous le voile éthéré de sa peau diaphane.

« Un murmure retentit, brisant le silence.
Frêle et pensive, une jeune fille s’avance.
Auprès d’elle, une vieille nourrice sermonne,
Pleurant les caprices de la belle Antigone.

Là, les pieds encore humides, elle pense.
À cette nuit, à ce calme lourd et intense.
Aux gouttes de rosée caressant ses chevilles,
Telles des larmes perlant le long des brindilles.

Songeant à ce tombeau bâti à ciel ouvert,
À ce chemin foulé menant jusqu’à ce frère
À jamais condamné à errer dans les limbes
Avec pour seule clarté un astre sans nimbe.

Creusant jusqu’au sang la terre de ses aïeux,
Elle recouvre ce corps refusé aux dieux
D’un éphémère linceul, ocre et écarlate,
Qu’elle signe et bénit de ses mains délicates.

Pour avoir engagé une lutte intestine,
Forgé son glaive dans une cité voisine,
Nourri ses noirs desseins d’un orgueil fratricide,
Polynice endura une mort apatride.

Refusant à Ismène le sceau du martyr,
Qui ne se cueille point mais se laisse mûrir,
Antigone endosse l’opprobre de son frère,
Essuie sans ciller les morsures de Cerbère.

Et fidèle à ce sang aux tumultes profanes,
Elle expie son forfait, au tombeau se condamne,
Emmurant en son sein l’horreur des Labdacides,
Elle accable son roi, en abolit l’égide.

Tant le sacrifice d’un éternel amant
Que les supplications, les aveux des puissants,
Restent vains, sans effet. La belle ayant scellé,
Par cette âpre nuit, sa funeste destinée.

Seul, Créon déambule dans son acropole,
Exhumant son passé, portant sur ses épaules
Le sort d’une cité, où un fils tant aimé,
Sa promise, malgré lui, furent inhumés.

Fatalité! Livrant tes perfides rouages,
Tu tourmentes sans cesse un illustre lignage
Et encore, attisant les foudres de la plèbe,
Tu mêles son destin à la maudite Thèbes. »

Noir. La toile demeure, une étoile se meurt.
Là, dans les coulisses, drapée dans sa pudeur,
Une femme s’éclipse, en oubliant soudain,
Qu’elle et son Antigone à jamais ne font qu’un.