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Olivier MORBIDELLI

Greenwich Park

Sous la bruine légère d'un ciel que l'aube encombre
Un tapis de fougères s'éveille entre deux ombres
Quelques oiseaux ruissellent leurs chants entre les branches

D'ici, les murs de lierre grignotent, un à un
Les plis de la rivière où l'écume en essaim
Çà et là par ses ailes s'élance en avalanche.

Mystérieux voyageurs, les corbeaux gémissants
D'un battement rageur s'envolent, jaillissant
Des clairières paisibles où dorment les vieux chênes.

Les longs bras dénudés de ces indolents sages
Laissent intimidée la brise de passage
Qui s'éprend, invisible, puis à leurs doigts s'enchaîne.

Il est là, tout autour. Hautain, il nous contemple
Perché, fier, sur sa tour ouvrant ses voiles amples
Le silence immobile repose en sa demeure.

Tricotés de fil d'or, dans leurs couloirs d'acier
Figés sur l'autre bord, s'engouffrent, suppliciés
Dans les automobiles, des complets qui se meurent.

Les trottoirs sourds s'emplissent d'une sombre marée
De passants en pelisse aux pensées égarées
Qui se croisent et s'échouent parmi les somnambules.

Sur cette berge, en face des jardins bienheureux
L'air délaissé s'efface, dévisage, amoureux
Le vallon serein où des enfants déambulent.

L'ondée, sèche, assoiffée, a vidé ses fontaines
Le ciel de soie coiffé chasse ses eaux lointaines
Les pigeons ont changé l'allée en abreuvoir.

On replie, hésitant, les parapluies de toile
Craignant de voir un temps sangloter les étoiles
Sur les pavés rongés, le long du déversoir.

Seul, assis sur un banc caressant l'horizon
Me voici embrassant les vents et les gazons.
Je détiens dans mes bras cette cité soumise.

Je suivrai cette mouette dans le sillage lent
Des avions, des girouettes, et, du pas des chalands
Rêverai sous les draps légers de sa Tamise.

Je serai soupirant de ses soirées de brume
Triomphal conquérant des aurores qui s'allument
Elle sera une femme, je serai son amant.

Le clocher retentit d'une envolée d'airain
L'hiver se repentit dans son froid souterrain
Ses glaciales lames pleurent d'un Avril charmant.

Je reviendrai bientôt, au temps des feuilles rousses
Oublierai les cristaux qui blanchissaient les mousses.
Les bosquets orangés m'accueilleront, ravis.