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Michèle BRODOWICZ

Prélude

Quand la nuit et l'ennui épousent le silence
J'entends le piano jouer mes souvenirs,
Le prélude de Bach, sous tes doigts de faïence
Graciles d'enfance, soupirait de plaisir.

Tes cheveux d'or frôlaient le tabouret de bois
Le soleil, en tombant, déposait ses reflets
Et ma main, tendrement, en caressait la soie
Fière et heureuse des instants partagés.

Dans tes veines coulait du sang mêlé de lave
Un torrent bouillonnait, tes petits doigts couraient
D'une note à l'autre, octave après octave,
Légers et gracieux. Et pourtant... tu souffrais !

Que j'aimais tes rires, ton sourire et ta joie
Quand les notes dansaient en suivant la cadence
De ce métronome sans âme, insensible, froid
Oubliant tes douleurs et tes désespérances.

J'ai la souvenance de l'éclat de nos yeux,
De nos voix suspendues à Bach et son prélude
Quand s'envolait le son dans l'air silencieux
Nos coeurs se remplissant d'exquise quiétude.

Je t'imagine encor assise au piano,
Tes petits doigts d'enfant apprivoisant les notes,
Ma main sur tes cheveux si soyeux et si beaux
Comme des préludes, sonates et gavottes.

Mes pensées se cognent aux touches orphelines
Et les gammes rouillent, enfermées dans le noir ;
Je te revois princesse aux mains frêles et fines
Avant que d'écrire une page d'histoire.

Ce soir flotte dans l'air ce prélude de Bach
Que tu aimais jouer à l'heure de ta jeunesse
Au lieu d'aller sauter, à pieds joints, dans les flaques ;
Le bonheur t'a étreint, petite diablesse...


Déc 2002/Oct 2003