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Maryse GEVAUDAN

Les hommes des banlieues

Les motos pétaradant dans les grands silences
Bleutés et froids où l'on décèle l'imminence
D'un nouveau jour, dépassent en stridentes zébrures
Les gros cubes bétonniers des banlieues obscures.

Dans les HLM on remue, car c'est bientôt
Le moment blême où les réveils carillonnant
Ensemble sur le coup de quatre heures -c'est bien tôt !
Débusquent les dormeurs aux yeux papillonnant.

Et les hommes s'assoient dans leur lit, hébétés,
D'un reste de sommeil leur tête est habitée.
Sous les paupières lourdes, un oeil terni et morne
Qui voit de sa journée, déjà, l'ennui sans borne.

Et les femmes debout, les yeux flous, matinales,
Préparent le repas que les hommes prendront
Dans leur sac -Et quand viendra midi aux banales
Discussions, tout en mangeant, lents, ils rêveront...

Ils rêveront d'un jour qui ne serait pas gris
Comme tous ceux passés que le temps leur a pris,
D'un jour simple, pourtant, mais où leurs rêves bleus
Trouveraient un moment pour vivre un petit peu...

Une heure. La reprise. Un rythme abrutissant.
Le rêve a éclaté sous les coups cadencés
D'un millier d'hommes heurtant, frappant l'acier crissant
-Et leur esprit au bout des doigts s'est condensé.

A la maison. Huit heures. Eux, les lèvres fermées
Sur toutes les paroles qu'ils ne diront jamais,
Ils regardent, sans voir, la Télévision.
-Est-ce qu'on peut vivre ainsi, hein, par procuration ?

Les femmes silencieuses. Et les marmots, trop jeunes.
Du bruit, pourtant... du bruit ! Par les minces cloisons,
Toujours, envahissant, pendant que l'on déjeune
Où qu'on rêve -si peu !... A perdre la raison.

...Et déjà les motos s'attroupent pour leur danse
Du soir, noirs galops qui annoncent la présence
Des nuits où les corps lourds sous les draps bien bordés
Finiront d'écraser les rêves avortés.