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Martin DOWLE

Etats damnés II (Emancipation)

Puis un autre décor s’offre en vision vitale,
Un univers inédit et pourtant limitrophe
A ce bazar de misère contagieuse et fatale
D’où je viens de m’extraire en toute catastrophe.
Une rue en tourbillon : Que d’ombres en cavale
Puis un passage accueillant, ouverture encensée
Où je rentre ! C’est un palais doré en cristal
A l’atmosphère chaleureuse et aux rideaux brodés.
Un nid de clarté ! Les murs et plafonds brillent
Et les parois désinfectés aiguillent les hautes castes.
C’est un monde réservé aux esprits anoblis
Des strates supérieures dans la hiérarchie des classes.
Quel contraste ! Les clameurs brouillonnes ont fondues
En un bourdonnement bourgeois de murmures frétillants
Mais futiles ! Et les mots qui sont ici entendus
Se rassemblent en sons étoffés et lassants.
C’est une ruche préservée pour l’hélium des masses,
Pour les essaims présomptueux, amis des richesses ;
On y garde soigneusement des parcelles d’espace
Pour la gestion précieuse de leurs hautes espèces.
Regardez les passer, arrogants et hautains !
(Mais leurs âmes sont vides !) Morts comme leurs ancêtres
Ils défilent, conformistes, paons aux fronts d’airain,
Se souciant seulement de l’aura du paraître !
Me regardant les regarder ils quémandent l’admiration.
Sourires satisfaits ! Panoplies de parvenus !
Ils espèrent obtenir à leurs égos trop gloutons
Une récompense de flatteries toujours plus accrues.
Ils déambulent, droite, gauche, nobles, fiers, démonstratifs
Exhibitionnistes en quête de parfums et soieries
Pour gagner les envies et désirs sensitifs
De sujets potentiels, de leur monde, bannis.
Elles m’irritent, ces harmonies bien trop artificielles
De ces lieux luxueux, sans âme, aux décors
De prince ! Aux couleurs avenantes, fraternelles
Qui attirent l’élite satisfaite de son sort.
Pourtant leur monde est beau, parfait et splendide !
Le froid même est saccagé par son confort tangible
C’est un cocon moelleux dans un pays humide,
Un univers en soi où rien n’est impossible.
Elle est ici la lumière ! Réussir, s’émanciper !
Pour pénétrer cette haute sphère tellement hermétique
Il faut d’abord anéantir, pour ensuite accéder,
Tout résidu témoignant d’un passé famélique.
Car crédule fanatique, altruiste ou martyr,
Rien de cela n’a de place dans cette plate-forme céleste.
Et seule l’étoile pure a ici le droit de luire :
L’astre déclinant étant laissé à son sort funeste.

Briller ou mourir ! Ce dilemme qui m’immole !
Décadence ou grandeur ! Cela ne mène à rien.
Et c’est en contemplant cette ville étrange aux deux pôles
Que j’ai perdu le sentiment d’être aussi un humain !

Birmingham, Décembre 1998