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Mario FERRISI

Slam au harki

Du pays, des oueds, toujours il nous parlait,
Des parents massacrés, de leurs âmes profanées,
Des frères abandonnés, sur les quais, comme des chiens,
Un génocide, remake… du massacre des indiens,
Les bateaux de l’exil, la puanteur des cales,
Les grands wagons hostiles, la spoliation morale,
Ils étaient des milliers arborant leurs médailles,
Remises par la France, sur les champs de bataille.
Leurs livrets militaires avaient des citations,
Ils n’eurent que souffrances et discriminations,
Univers carcéral de Bias, de Bourg-Lastic,
La honte de la France, l’irrévérence cynique !
Le suicide, la folie, prirent souvent le pas
Sur le renoncement, la résilience, le froid,
Aujourd’hui, c’est fini, un harki va mourir,
Il est près de son fils… c’est son dernier soupir.
C’est un jour de printemps, juste avant les bourgeons,
Une page qui s’écroule ; la capitulation !

Je saisis son poignet et le serre doucement,
Pour croiser son regard, un tout dernier instant,
Je me penche sur lui et donne l’accolade,
Juste encore pour sentir, son pauvre corps malade,
Sa barbe blanche épaisse, garde tout son panache,
Lui donnant la noblesse d’un grand, saint patriarche,
Main dans la main, émus, nous sommes restés longtemps,
A dire l’hymne confus des sacrifiés d’avant,
Le père, dans sa douleur, s’est agrippé encore,
Son ultime vigueur envahissait mon corps,
Malgré cette fêlure intime du passé,
Lui qui fut enchaîné de culpabilité,
Dans un souffle, il me dit, qu’il aimait bien la France,
Qu’il délestait la charge d’un passé de souffrances,

J’ai enfoui dans mes poches tous les mots paternels,
Ressentis par les proches comme un don perpétuel,
Alors j’ai enfermé mes larmes dans ma tête,
Pour verser mon amour aux pieds de sa couchette,
Puis ma lèvre a tremblé dans un ultime adieu,
Je me suis approché et j’ai fermé ses yeux.