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Marie-Anne PASQUIER

Bombardement

Après un jour brûlant, SAUMUR lassé repose.
Une alerte a déjà réveillé maint dormeur ;
Le sommeil, de nouveau, comme un oiseau se pose,
Frappant les habitants d’une inquiète torpeur...
Inquiète, oui, vraiment : peut-on dormir tranquille
Quand résonnent encor les pénibles récits
De ce qui fut hier pour ANGERS, proche ville,
Et dont cruellement sont empreints les esprits ?
Pour la deuxième fois, voici que les sirènes
Hurlent sinistrement ; on se lève angoissé ;
Bientôt dans les maisons, même les plus sereines,
Par un cri de terreur, tout le monde est dressé ;
« Vite, sauve qui peut, c’est pour nous : les fusées ! »
En effet, maintenant la nuit n’est plus la nuit ;
Gigantesques clartés là-haut sont allumées,
Guidant lugubrement une foule qui fuit.
Qui fuit... Car on entend, menaçant et terrible
Au-dessus des toits gris, les moteurs vrombissant
Hélas ! où se cacher ? Feu d’artifice horrible, ;
Annonçant que, soudain, la mort est là, planant ;
Sous tes rayons l’on court vers les prés ou les plages,
Les abris souterrains, tombeaux anticipés...
Panique, affolement, désolantes images
Dont nos yeux à jamais demeureront frappés !
Dans le ciel, cependant, les funèbres étoiles
Aux feux rouges, verts, blancs, s’éteignent tour à tour ;
Le drame va s’ouvrir au sein de sombres voiles,
Apportant la ruine avant le point du jour.
Alternent sans arrêt, grondements de tonnerre,
Sèches explosions, concert horrifiant ;
Et des gerbes de flamme ont jailli de la terre,
Vision de l’enfer, spectacle hallucinant !
Vingt minutes durant, sévit la tragédie.
Ensuite, on n’entend plus que le bruit des moteurs
Et de la D.C.A. qui toujours psalmodie,
Augmentant le péril, excitant les frayeurs.
Brusquement, tout se tait, c’est un affreux silence,
Silence sépulcral, que va bientôt troubler
L’activité de ceux, dont la tâche commence :
Sauveteurs courageux défiant le danger.
Pour des heures encor, l’éclatement des bombes
Déchirera l’espace et sèmera la mort ;
L’incendie en vainqueur, brûlera sur les tombes
Où restent engloutis certains - pénible sort ! -
Et l’on verra demain, la ville labourée,
Les amas de débris qui furent des maisons ;
Près des abris bloqués, l’étouffante fumée
Empêchera d’ouvrir ces macabres prisons.
Puis ce sera partout l’exode lamentable ;
Aux abois, l’on fuira les quartiers dévastés.
Qui te peindra jamais, cortège pitoyable ?
Qui rendra votre peine immense, ô sinistrés ?
Le malheur a passé, jetant ici son ombre,
Tirant du sol ouvert, une plainte sans fin.
La terreur est venue et sa grande aile sombre,
Effleure à chaque pas notre rude chemin.
Et c’est ainsi, mon Dieu, dans toute notre France,
Un peu plus chaque jour, abîme de douleur !
A la vôtre, unissez sa multiple souffrance,
Que son dur sacrifice, enfin soit rédempteur.