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Mady KISSINE

Les hommes malades de la télévision

En ces temps incertains, les hommes regardaient
Le monde à travers l'inconnu
Qui leur parlait sur un écran, c'était parfait,
Chacun croyait avoir tout vu, avoir tout su.
D'ailleurs, quand il disait : il pleut, tout est perdu,
Les hommes s'abritaient, peureux,
A l'ombre d'un discours, leur livre ouvert en grand,
Priant un petit peu, souvent,
Comme si, tout à coup, eût été important
De faire, en cas de pluie, ses comptes avec Dieu.
Les rumeurs voisinaient avec la vérité
Des célèbres, des courageux,
Des misérables, jeunes, vieux,
Tous ces personnages dont la tragique vanité
Faisait frémir la société
Figée devant son carré bleu
Qui parle toute la journée.
Il était important de connaître les noms
Des maîtresses du prince,
Le prix de l'or et du charbon,
Suivre la mode avec passion et être mince,
L'humain s'appauvrissait, le commun était bon.
Les crimes commis en province
Gagnaient, avec ferveur, la gloire de la presse
Vendue à peu de prix à ceux
Dont la vie s'étirait, inondée de tristesse,
Haineuse pour le haut des cieux,
Jusqu'à ce qu'un jour, la paresse
Entourât les hommes d'une sorte de graisse
Invisible, totalement,
Douce contre le froid, mais chargée de bassesse.
On eût dit, chaque soir, le sommeil bedonnant
D'un troupeau d'animaux gavés par l'habitude.
Dans leurs soupirs accommodants,
On entendait la solitude,
Imbibée par l'oubli, ronger avec ses dents
Noircies par la décrépitude,
Les soirs du temps volés à ses amants.
Un tremblement de terre, à peine,
Emouvait, pendant un instant,
A l'heure du dîner, les surdités humaines,
On comparait parfois, quand on les avait lus,
Quelques romans de gare aux obus de la guerre
Explosés à l'écran, et les cadavres nus
Dans la fosse commune, au moment du dessert,
Rapidement entraperçus,
Semblant avoir rempli leur tâche vulnéraire,
Disparaissaient de la mémoire.
La fugacité des images
Faisait, dans le salon, des rais rouges et noirs.
C'était le temps de l'esclavage,
Non celui qu'autrefois subit l'Afrique Noire,
Mais, dans la tranquillité du soir,
Un avilissement né d'un autre âge,
Comme si, de l'écran, une sorcellerie
Magnétisait l'humanoïde assis en rond,
Sans qu'il s'en aperçût, jusqu'à ce que finît
Totalement sa réflexion,
Abolie, sans douleur, par la télévision.
Ainsi l'humanité finit