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Lucien LEPORINI

Je me souviens, je me souviens

J’ai vu tant de lieux, croisé tant de visages,
Entendu tant de mots, que j’en ai le tournis.
Mais les événements sont comme un balisage
De jalons lumineux que le temps nous fournit.
Je me souviens, je me souviens,...

Je le revois, prêchant. Il avait fait le rêve
D’une autre Amérique, le pasteur Luther King,
Pour que l’affrontement laisse place à la trêve,
Pour que l’égalité quitte enfin le parking.

Je revois Kennedy, dans sa décapotable,
La tête basculant, chaque fois, à l’impact.
C’était comme au ciné. Un meurtre escamotable.
Ce qui fut, aujourd’hui ressemble à un entracte.

Je me souviens. Dubcek et les foules en liesse,
Dans Prague inconsciente, fêtant son « Printemps ».
On lui fera payer chèrement sa hardiesse.
L’histoire exigeait d’attendre un peu. Vingt ans.

Je le revois, De Gaulle, exilé en Irlande,
Au loin, avec sa femme et son aide de camp,
Sous le crachin, voûté, cheminant sur la lande.
Un vieux chêne abattu fait toujours du boucan.

Je me souviens. Mesrine, piégé dans sa voiture,
Après le traquenard, Porte de Clignancourt,
Avec des policiers jusque sur les toitures.
Que fait-on d’une mort ? Un film et des discours.

Je le revois encore, Mitterrand et ses roses,
Entrant au Panthéon, en mai quatre-vingt-un.
Jour de joie pour les uns, pour les autres morose.
Vous donner mon avis serait inopportun.

Je me souviens aussi. Son dernier face-à-face,
Le voyage en Egypte, pour les derniers adieux,
L’arrêt du traitement en guise de postface.
Le vieil homme avait rendez-vous avec Dieu.

Je me souviens enfin. Avec son violoncelle,
Rostropovitch jouant près du mur de Berlin,
Pendant qu’autour de lui les débris s’amoncellent.
La Russie impériale amorçait son déclin.

J’ai vu tant de lieux, croisé tant de visages,
Mais les événements sont comme un balisage.
Je me souviens, je me souviens,..