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Laurent CARON

Prométhée II

Mais du fond de la grotte, mais du fond des ténèbres
Un vieil homme sans âge au regard acéré
Jeta sur l’assemblée ces paroles funèbres :
« Damnés, fols inconscients, mais qu’avez vous donc fait!
Ce feu que vous venez de voler à nos Dieux
Est envers notre race bien plus qu'un crime odieux!
Par ce geste incroyable, vous dites à notre mère,
Nous n'avons plus besoin de vos soins maintenant,
Vos bras sont bien trop lourds et votre sein amer,
Désormais nous les Hommes ne sommes plus vos enfants!
Nous sommes assez forts pour refuser vos lois,
En nous seuls nous plaçons notre avenir, notre foi.
Contre elle nous levons le drapeau de révolte.
Contre le froid ce jour, nous allumons ce feu,
Et puis à la cueillette, nous voudrons la récolte,
La chasse ne sera plus qu'un souvenir heureux
Pour bien des animaux réduits en élevage.
Enfin nous détruirons tout ce qui est sauvage.
Nous aurons plus de grains que nous pouvons manger,
Nous aurons trop de viande pour trop peu d'appétit,
Pourtant cette fois encore, toujours insatisfaits
Nous voudrons toujours plus, bravant les interdits,
Et ce feu qui allume le phare des connaissances,
Percera les secrets avec tant d'inconscience
Qu'après la terre et l'eau, nous serons ses victimes.
Je vois déjà ici de grosses bouches noires
Cracher sur nos enfants, dans un destin intime
Des boulets rougeoyants pour des gains dérisoires.
Et puis toujours plus fiers et plus aventureux
Nous irons conquérir l'océan et les cieux.
Et des profonds abysses et des nuées lointaines,
Nous finirons un jour par tout anéantir :
Les pierres couleront comme l'eau de la fontaine
Et l'herbe sur ce sol ne pourra plus verdir.
Lors nos petits-enfants dans un ultime geste
Maudirons leurs aïeux, effacerons leurs restes."
C'est alors qu'un enfant, fasciné par les flammes,
Tendit vers leur lumière sa main toujours curieuse.
Il poussa un grand cri et vers le chœur des femmmes
Courut se réfugier dans leurs jupes furieuses.
Elles regardaient les hommes déjà avec colère
Mais d'un haussement d'épaules, ils leurs dirent de se tai
Le vieil homme reprit son trop long plaidoyer :
"Respectons notre mère, éteignez donc ce feu.
Regardez ! L'un des nôtres à ses dents s'est blessé,
Il n'est que le premier d'un avenir hideux.
Nous sommes les enfants de notre mère nature,
Sommes égaux et frères de toutes créatures.
Aujourd'hui il fait froid, aujourd'hui c'est l'hiver,
Patientez mes amis, bientôt vient le printemps,
Ce monde froid et gris deviendra frais et vert.
A notre mère aussi il faut laisser du temps
Pour réparer ses forces, pour se régénérer,
Et de nouveaux présents elle pourra nous combler.
Ne cédons surtout pas à cette tentation :
Ce feu qui brûle ici est notre pire ennemi,
Vouloir le maîtriser n'est que pure invention
Essayer c'est bientôt à lui être soumis."
Fatigué le vieil homme poussa un long soupir.
Les hommes se regardèrent et tous ensemble ils rirent.