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Julien BOUCHARD-MADRELLE

Le coquelicot

J’ai trouvé une fleur à la pourpre pâlie,
Un fin coquelicot à la robe légère,
Dans un livre très vieux tout couvert de poussière ,
Cendre du temps qui va, qui à jamais s’enfuit.
Ainsi reposait-il sur de beaux vers d’Amour :
Ceux de Louise Labé, la sensible rêveuse.
Quelqu’un, me suis-je dit, a prolongé ses jours
La fleur a conservé sa robe vaporeuse.
Ces vers étaient les pleurs d’un cœur qui se consume
Et qui se voit percé d’une béante plaie;
Ainsi, l’un d’eux, plein d’espoir et de brume
Disait : “ Qu’encor Amour sur moi son arc essaie “

Peut-être un doux poète au temps de Louis le Grand,
Au bord d’un champ de blé ou d’une rivière,
Cueillit-il cette fleur à l’habit couleur sang,
Symbole d’une amour, comme lui, éphémère ?
Ce penseur était-il l’ami de Jean Racine ?
Voulait-il voir durer ce beau coquelicot
Plus longtemps que l’idylle aux cruelles épines,
Fleur qui l’avait trompé avec ses oripeaux ?
Ou bien est-ce en pleurant, l’auteur de Bérénice,
Qu’il cueillit ce calice à la teinte vermeille
En songeant que la vie est un frêle édifice
Et que la fleur flétrie était reine la veille ?

Peut-être un cardinal, vieil homme aux mains tremblantes
Avait-il conservé de sa folle jeunesse
La cocarde rouge, présent d’une galante,
Couleur des passions, des baisers, des caresses ?
Et le soir, tout ému, il ouvrait ce recueil,
Voyait ce souvenir d’une amour foudroyée,
La belle étant partie trop tôt dans le cercueil,
Laissant l’amant meurtri, sur la terre, esseulé.

Peut-être à Trianon, ou bien à Bagatelle,
Au temps des libertins, une frivole dame,
Une exquise comtesse, en riant, offrit elle
Au beau chevalier, avec la fleur, son âme ?
Et vingt années plus tard, dans ce livre de vers,
Revit-elle en pleurant le doux coquelicot,
Le caressant des yeux, de ses profonds yeux verts,
De ces yeux qui verraient bientôt un échafaud ?

Peut-être un Chatterton cruellement meurtri
Par une dédaigneuse au regard de déesse,
Au temps de Lamartine, au temps de Hernani,
Cédât-il à sa peine, à sa vive détresse ;
Et ayant contemplé dans le livre, la fleur,
Cette fausse promesse offerte par l’infâme,
Avec fureur, d’un coup, se perçât-il le cœur
Après avoir livré ses vers d’amour aux flammes !

J’ai préféré songer à un jeune écrivain
Dont j’aurais quelques traits et qui, sous la Régence,
Eut sculpté ardemment de doux alexandrins;
Sans le sous, mais riche de bien des espérances !
Je l’entends, dans un pré, exalter cet ouvrage
à une belle enfant au sourire de fée
Qui lui eut fait présent, ô le divin hommage,