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Julien BOUCHARD-MADRELLE

Des fantômes aux Tuileries ( suite )

Ces spectres, dignement, me rendant mon salut
Sourirent un instant d’un sourire un peu triste ;
Je voulais leur parler mais ils ont disparu.
Devant moi ne restait qu’un groupe de touristes.

Tremblant, le souffle court et le cœur palpitant
Je ne pouvais pas croire en ce que j’avais vu !
Moi seul avais bondi devant ces revenants !
Je ne pouvais pas croire en ce coup imprévu !
L’imagination que j’aime à cultiver
M’avait-elle joué un tour aussi pendable ?
Eveillé pouvait-on, à ce point-là, rêver ?
« Etre écrivain, me dis-je, est chose redoutable ! »

Le jet d’eau murmurait dans le bassin voisin
Je crus que les statues qui bordaient les allées
Tournaient leurs yeux vers moi…mais il n’en était rien.
Elles ne bougeaient pas, sur leurs socles, fixées ;
Quelque chose pourtant ébranlait mon esprit :
Blanches dans la nuit noire, on eu dit des fantômes ;
Périclès semblait prêt à se mouvoir, sans bruit,
Les chevaux à courir comme dans l’hippodrome,
Et Œdipe, accablé, à s’enfuir dans la nuit.
Artémis semblait prête à caresser son chien
L’abondance à vider sa corne toute pleine.
Verrais-je des buissons jaillir quelques lutins ?
Je me croyais atteint d’une folie certaine !

Or soudain les passants, de nouveau transformés
Se montrèrent à moi comme l’aurait pu faire
La cour de l’Empereur Napoléon premier !
Je ne pus qu’observer ce cortège et me taire.

Les Maréchaux d’empire et leurs femmes passaient
Les uns galonnés d’or, l’œil fier sous leurs bicornes
Les autres dans la soie et le velours…après…
Après je vis passer l’homme aux rêves sans borne :
A son bras Joséphine en grand manteau de sacre,
Le diadème au front ; près d’elle Marie-Louise,
Parée de pierreries et de camés en nacres.
Napoléon portait sa redingote grise.

Comme de son vivant, il songeait, pâle et grave
Son uniforme gris valant toutes les pourpres
De tous les Empereurs de la Rome des braves.
« Eh bien petit, dit-il, ton visage s’empourpre !
N’as-tu donc jamais vu passer un Empereur ?
Ecoute-moi : ici, je veux qu’on reconstruise
Le palais qui brûla ! M’as-tu compris, rêveur ? »
Qu’il semblait grand dedans sa redingote grise !

Quand, opinant du chef, je lui murmurai « oui »
Le nouveau conquérant vint me tirer l’oreille
Puis le spectre passa après m’avoir souri
Et la cour le suivit, comme un essaim d’abeilles.
Murat et Marie-Louise et l’Aiglon, tous dans l’ombre
Disparurent d’un coup.