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Juliane LE GALLES

Une odieuse musique

Un deux trois, un deux trois. Pas à pas, en accord,
Nos pas se passionnent pour ce paterne air.
Paternel, il me guide de son regard clair.
Dans sa pupille brille l’amour, son trésor.

Un deux trois, la musique, un deux trois, maléfique,
Aime à hâter le rythme et changer ce qui fut.
Je ferme les yeux, mais je reste à l’affût,
Et l’on tourne dans une danse frénétique.

Et dans ce tourbillon, de plus en plus rapide,
Je n’entends que cet air si doux auparavant,
Cet air enivrant, qui va en me poursuivant,
Devenu en quelques instants si intrépide.

Je sens tout tourner autour de moi ; un vertige
Me prends, j’ouvre les yeux. Mais je me suis perdue
Je ne reconnais plus, l’image s’est fondue
Pour donner un brouillard qui très loin me dirige.

Plusieurs ombres se succèdent mais il me semble
Qu’elles se précisent et me sont familières :
Là un visage et ici, très particulières,
Des heures vécues quand nous étions ensemble.

Mais ensemble avec qui ? Il y a un instant,
Je croyais me trouver au bras de celui-ci,
Mais maintenant, c’en est un autre, c’est ainsi
Et seul son œil reste identique, palpitant.

Je crois le connaître, mais il est étranger ;
Il est là, devant moi, mais il reste voilé.
Qui est-il ? Un ami ? Il sourit, absorbé
Par une idée lointaine qui le rend léger.

Je n’arrive pas à définir la couleur
De son regard, ni celle de sa chevelure.
Autour de nous, le monde tourne à vive allure
Et nous assigne d’une excessive douleur.

Douleur de ne pouvoir profiter du moment ;
Douleur de ne savoir pourquoi cela ne cesse ;
Douleur de ne comprendre pourquoi la détresse ;
Douleur de ne pas voir plus loin que le tourment.

Pourquoi cet air si lent sur lequel on dansait
Est devenu d’un coup une mer en furie ?
Pourquoi après le calme, cette brusquerie
Revenait entre nous et tout bouleversait ?

Que de questions que je me pose, mais je tourne
Toujours, et je reste seule, et je suis perdue,
Et la musique, imperturbable, continue
De son rythme entraîné qui de tout nous détourne.

Un deux trois, jour et nuit, un deux trois, sans répit,
Elle chante et ne cesse jamais, non jamais
Elle ne cesse le temps, de chanter, jamais ;
Elle a le temps, elle est le temps que l’on maudit.