J’aime la flânerie au bord de mon canal, Cet ami de jeunesse où sur les berges folles Je fis mes premiers pas de promeneur. Banal Est son aspect mais fort le chant de ses paroles.
Car il me parle lui, par la bise glacé, D’un temps qui n’est ici que dans ma souvenance Et que mes soixante ans n’ont jamais effacé ; Malgré l’hiver muet, il n’est point de silence.
Il sut mon caractère intrépide, et l’enfant, Se penchant au miroir de son eau prisonnière Pour cueillir la massette ou le roseau bouffant, Dans l’eau morte tomba de fort belle manière.
Il vit l’adolescent, utopiste habité Par l’idéal de voir la justice à son heure S’étendre sur le lit de la société ; Les rêves sont passés mais le canal demeure.
L’amoureux confia ses tourments, désespoir Qu’il croyait à son âge éternel, près de l’onde Et son apaisement serein, il vint s’asseoir : Sa peine se tarit de la source profonde.
Et voilà que, pensif, s’approche l’homme mûr, En quête permanente et riche de l’étoile Poétique, allant de force vers le futur, A la courbe prochaine où l’horizon se voile.
Cheminerai-je encor longtemps sur le sillon Des rives retraçant ma vie en épisodes ? Comme l’automne fait dormir le papillon, Aux bornes du destin s’achèvent les exodes !
