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Jean-Pierre QUIRIN

Mourir vivant

Mourir vivant

Demain je serai mort, mais dans combien de jours.
Combien d'années de plus, combien de décennies ?
Quand le dernier matin jouera sa vilenie,
Aurai-je assez vécu pour lui dire : "Bonjour,

Comment vas-tu, matin qui vient clore ma vie
Aube claire et glacée au bout de mon chemin,
Bienvenue ! Je suis prêt à sceller mon destin
Les pages à tourner ne me font plus envie." ?

L'univers clouté d'or me voile l'infini
Il me plonge sans fin dans l'aura des mystères
Et j'espère un écho de ces milliards de sphères
Dans la perpétuité d'une attente sans bruit.

Des amours ont passé, d'autres restent présentes.
Moments noirs, moments bleus se succèdent cent fois
Mais le désir d'aimer persiste au fond de moi
Dans la naïveté de ma quête incessante.

Il chante à mon oreille un divin concerto :
Du tam-tam de Lucy à l'orgue électronique,
Je n'ai pas épuisé les notes de musique
Ni comblé mon besoin ; de beaucoup il s'en faut.

Mon chien sur l'herbe, dort à l'ombre du grand chêne
Un rayon virevolte au bout de son museau
Une fourmi se perd dans les poils de son dos
Se pourrait-il qu'un jour ce spectacle me peine ?

J'ai cherché, j'ai cherché, infatigablement,
Ce qui expliquerait les choses qui m'entourent
Principe, Nombre, Dieu, mais je cherche toujours
Et la mort pourra-t-elle arrêter ces tourments ?

J'ai vécu des saisons et des saisons encore
Chacune m'a charmé avec ses mille appâts
Chacune a escorté le moindre de mes pas
Je ne me lasse pas de leurs changeants décors.

J'ai eu bien peu d'amis et de frère pas un.
Il n'est que plus précieux, si le joyau est rare
Et même la traîtrise arrosée au curare,
Ne saurait m'éloigner de la chasse au frangin.

Qu'ai-je vu de ce monde et de ses paysages ?
Où que j'aille, en effet, soit par monts ou par vaux,
Je reste écartelé par ses points cardinaux
Et ma faim est intacte au long de mes voyages.

Je n'écrirai jamais mon plus joli poème.
Le dernier mot, toujours, manquera à l'appel.
Je cours après mon ombre au fond de mon tunnel
A la recherche d'absolu, thème après thème.

Je sens rouler en moi la mer chaude du sang.
Je veux être un soldat sautant sur la grenade...
Que ma tête et mon cœur ne soient jamais malades.