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Jean-Pierre QUIRIN

Métro

Ils ne sont pas méchants, ils ont le cœur éteint
Ils sont si fatigués
Las de se côtoyer et de ne pas se voir
Dans le petit matin

Ils ont les yeux fermés, les paupières ouvertes
Ils ont la bouche close
Le regard dans le vide au-delà de la foule
Dans le métro bondé

Joue, guitare ou violon
Chante dans les couloirs
Crin-crin dans les wagons
Dans le petit jour noir
Viens chanter les refrains des îles cocotiers
Le Brésil à Pantin, Tahiti à nos pieds

Et les lèvres soudées sur des jurons rentrés
Leurs grimaces s'installent
Oreilles verrouillées, cœurs à peine battants
A la correspondance

La montre les gouverne et le quotidien règne
Despote sans recours
Regarde-les courir au rendez-vous de rien
Dont ils attendent tout

Passe dans les travées
Où s'entractent leurs courses
Tends leur le chapeau trou‚
Pour délier leur bourse
Ne leur tiens pas rigueur s'ils demeurent de marbre
Le souvenir les rive où poussent fleurs et arbres

Ils ne sont pas méchants, ils ont l'âme engourdie
Ils sont figés de nuit
Et de parcours semblable ils peuplent leurs éveils
Jusqu'au désintérêt

Car s'ils restent au cœur de rêves improbables
Bouclés dans leurs cuirasses
C'est qu'ils protègent fort le si peu qu'il leur reste
Leur personnalité

Joue, guitare ou violon
Tes refrains inconnus
Pour ces fantômes nus
Spectres au front de plomb
Ils ont appris la mort et ils font les mourants
Mais au fond de leurs corps, ils sont toujours vivants