Dis, belle Roussalka, que le fleuve avala, Sirène des eaux mauves, toute vêtue de brume, Conte-moi la noirceur de ta tombe aquatique.
Jeune fille autrefois du bord tu t’éloignas, Dans le courant si froid ; Hélas, tu te noyas, en laissant Sur la rive un fiancé en hiver Qui, ivre de chagrin, Dépose des violettes à chaque anniversaire.
En été dans les arbres, Aux branches éplorées d’un vert saule pleureur, Tu attends sagement Que le soleil descende à l’horizon de cendres, Et avec tes compagnes, tu danses dans les prés, Afin que les blés croissent.
Roussalka, chante-moi la douce mélodie, Charmante et pourtant triste, que vous seules connaissez, Toi et tes sœurs d’infortune, Quand la lune d’argent accroche des diamants Aux voiles de tes brumes, à tes longs cheveux roux.
Lorsque viendra le jour, Me laissant l’âme vide, Dans les profondes eaux que nul rayon n’atteint, Tu te retireras dans l’ombre du lit mauve, Qui impose un silence plus pesant que le plomb.
J’attendrai le déclin de l’astre trop brûlant Et le retour brillant des étoiles défuntes, Afin qu’à nouveau tinte ta voix sur le Danube, ô belle Roussalka Que le fleuve avala.
