Quand je ne serais plus qu'un nom sur une pierre, Reposant sur deux dates, - poussière d'infini -, Et que mon corps pourri aura nourri les vers, Mes arbres seront là, Tendant leurs fières branches vers le ciel immuable, Calme et indifférent.
Ils seront grands et forts, et tous chargés de fruits ; à leur pied ombragé, dans l'herbe fraîche et grasse, Un rêveur indolent s'assoupira sans peine, Tandis que les cigales chanteront leur berceuse, Chamans de l'air chaud.
Quelques vieux cousins, quelques vagues parents Diront à leurs enfants courant dans le jardin, Et cueillant, ça et là, des pêches bien juteuses, Tendues par la main verte des branches alourdies, Que c'est en telle année que leur cousin untel A planté fièrement ces arbres vénérables.
Ils leur expliqueront comment je suis cousin, De qui je fus l’époux, qui étaient mes beaux-frères, Et qui sont mes neveux qu'on voit de temps à autre.
Sans un grand intérêt, ils les écouteront, Pour ne pas les vexer, tout en mangeant les fruits ; Puis, ils iront courir et s'accrocher aux branches, Et auront oublié ces discours ennuyeux, L'esprit déjà au jeu, tourné vers le présent.
