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Jean Louis BESSIERE

Elégie

J'ai là mes souvenirs, comme une page apprise
Et pas un ne manque à l’appel…
En novembre dernier, à cette heure précise,
Nous allions derrière l’église,
Les tombeaux en forme d’autel
Ont des extases d’ombre assise.

Te souvient-il comme il semblait
Lourd de sommeil le cimetière ?
En paresseux, il somnolait
Comme un lézard sur une pierre,

Dans le lointain, quelqu’un chantait
Des complaintes lourdes et gauches
Et sur nos têtes, voletait
La note plaintive des cloches.

Un vieil infirme de pommier,
Noueux, ruiné, voûté d’usure
Inclinait sa branche rouillée
Sur l’épaule de la clôture

Un grand Christ, toute plaie ouverte
Veillait au sommeil de nos gars,
Maculé de brûlures vertes
Et de la mousse plein les bras.

Au creux du marbre séculier
Plein d’un vrombissement d’abeille,
Dans ce coin tout ensoleillé
Papa, auprès de nous, sommeille.

Et maman, sur la fosse chère
Couchait des fleurs cueillies de peu
Chuchotant de pauvres prières,
Tenant un bouquet rouge et bleu.

Glissant le long du chapelet
Son doigt tremblait comme une larme
Intercédant au Paraclet
D’écourter ses propres alarmes.

Sur son chemin de croix, les tombes
En chœur répétaient la leçon
Que tout s’effrite, tout succombe
Aux vieux accords d’une chanson.

L’heure où l’œil se fanera
Va sonner. La journée décline
Et l’ombre qui nous saisira
Pas à pas descend la colline.

Affaissons nos châteaux de cartes
Nos jeux se meurent, ensevelis
Par une épitaphe aux pancartes,
Que lave la pluie et l’oubli.
Pourquoi croire en ce talisman,
Brûlant au cœur de nos envies,
Si l’herbe pousse éperdument
Sur tout ce qui fut une vie ?