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Jean L INFONTE

Le grand soir ( Première Partie )

I.
Au palefrenier, les sales greniers
Offrent le refuge de leurs coques de noix,
Au-dessus d’écuries de patrons négriers.
Est-ce un ermite ? Qu’il soit au fonds des bois !
N’est-ce qu’un termite, un vulgaire cafard,
Ou un vilain canard ? On hésite souvent,
Comme dit Monsieur, détournant le regard,
Quand de sa badine, il prend le sens du vent.
Mais Raymond se défend. Il est citoyen
De la République, bref un presque rien
Aux yeux de ceux là qui tiennent le haut
Du pavé bancaire, ci - devants vulgaires,
Des parvenus d’un jour, des jars à gros jabots
Dont les culs en selle sont fesses en paires.
II.
Monsieur n’est qu’un gros, un énorme jambon
Qui agite toujours, dans le rythme des plis,
La secousse polie d’un ventre de barbon,
Sa chemise de prix, flottant comme un surplis.
Il marche à l’étroit dans ses bottes vernies
Qui serrent à l’envie sa troupe d’oignons.
Sa ceinture sertie retient la hernie
D’une taille grasse, engraissée au pognon.
Son cheval million ne vaut pas un âne
Quand dans le manège, il tombe en panne.
Monsieur éructe. Il en veut pour l’argent
Qu’un jour d’égarement, il posa sur table
Pour faire conquête du poussif indigent.
Il tire la longe, rentre à l’étable.
III.
Monsieur a un fils. Ses beaux yeux de veau
Luisent de plaisir si par aventure
Une belle jument passe à son niveau
Mettant marchandises tout en devanture.
Il pique au galop son pauvre canasson
Qui hennit de douleur et part à larigot
Ignorant les ordres du maître feignasson
Qui cavale au pré en vrai bel Ostrogoth.
Mais quand il revient aussi lent et fourbu
Qu’un chasseur ivrogne qui a déjà tout bu,
Il ne remarque pas, le sourire taquin
Que la belle glisse au pressé factotum
Qui aide le nabot aux talents si mesquins
A lever de selle son auguste scrotum.
IV.
Ah, la mère du fils, est écuyère
Qui va à deux pattes ! Son cheval l’angoisse
Quand elle regarde sa selle cuillère.
En un mot, l’équitation est sa poisse.
Car elle préfère aux odeurs de crottin
Les parfums plus subtils d’une brassée de fleurs.
N’était la hargne d’un mari fou du Bottin
Elle jetterait au feu sa bombe de malheur.
Elle passe parfois admirer les poulains
Enveloppée au chaud dans son châle de lin.
Ses amies qui l’envient, en vue de Trianon,
La féliciteront sans se douter pourtant
Qu’elle ignore en tout, du boulet au canon,
Le plan de son cheval, animal déroutant.