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Jean L INFONTE

Des tours

Tournez, à chaque révolution,
Des planètes, la page d’un matin.
Tournez à la lente procession
D’un jour calme qu’une nuit éteint
D’un drapeau étoilé, de noir repeint.
La valse des temps noircit la portée
Aux halos du phare en bout de jetée.
Tournez, aux cercles parfaits des cerceaux,
En droits derviches, la même ronde.
Tournez sans axe, en voûtes d’arceaux.
Sous chacun de vos pas naît un monde.
Tournez, pour que chaque émotion
Ait le goût neuf des bonheurs enfantins.
Tournez les pages des partitions
Où les secrets des rites byzantins
Débordent des voix, aux sons des chants plains.
La valse des temps va sans s’arrêter
Au rythme d’un immobile été.
Tournez, tournez, debout sur les tréteaux
Que le flot des projecteurs inonde,
Tournez avant que tombe le rideau.
Sous chacun de vos pas naît un monde.
Tournez, pour que chaque pulsation
Repousse toujours l’horizon lointain.
Tournez votre imagination
Bien au-delà des murs palatins
Parce que rien n’est sûr, ni certain.
La valse des temps pourrait hésiter
Et reprendre ce qu’elle a prêté.
Tournez, tournez, pour desserrer l’étau
Des vies courtes et des morts immondes.
Tournez, il sera toujours assez tôt.
Sous chacun de vos pas naît un monde.
Tournez, pour faire l’admiration,
Sans peur d’être aimé ou d’être craint.
Tournez à chaque variation
Des reflets d’or sur le vase d’étain
Que forge l’orfèvre des arts souverains.
La valse des temps ne saurait gâter
Les saveurs de qui va sans se hâter.
Tournez, tournez, tout autour des châteaux
Dont l’envie d’Espagne est féconde.
Tournez, au temple voilé des taureaux.
Sous chacun de vos pas naît un monde.
Tournez, car c’est votre vocation
De fuir le rivage presqu’atteint.
Tournez la course des ambitions
Des plus profonds des plus noirs souterrains
Vers le clair sommet du mont Arétin.
La valse des temps se bat andante
Si on espère pouvoir la chanter.
Tournez, tournez. Sous les coups de marteau
La tôle dure devient ronde.
Tournez, au dernier coup de ciseau.
Sous chacun de vos pas naît un monde.
Tournez, même si tout sonne si faux.
Tournez, tournez, car c’est cela qu’il faut.
Tournez, au cœur des nuits profondes.
Tournez, tournez, car c’est cela qu’il faut.
Sous chacun de vos pas naît un monde.