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Jean L INFONTE

Canicule ( Deuxième Partie )

IV.

Après la Saint Hubert, la ville sans âge
Reprendra son train-train. Les verglas de l’hiver
Fermeront leur écrin dans tout le parage.
Dans les buffets de bois, seuls survivront les vers.

Des bridges acharnés, au club des notables,
Opposeront les clans. Sous les poussières
Des siècles passés demeure aux tables
La maigre rancune des races fières.

Le curé trichera et le pharmacien
Qui n’est qu’un parvenu, comptera pour rien.
L’avocat complice et le docteur malin

Feront leurs compliments au génie du Maire.
Et Madame Mère, prenant son air câlin,
Dira son chapelet, lira son rosaire.

V.

Printemps n’est qu’un leurre. Au fonds de son jardin,
Pas plus grand qu’un mouchoir, Dame Patronnesse,
Grimée en bergère, cachera son chagrin
D’être abandonnée en pleine détresse.

Ses enfants sont partis. Son mari, enfui
Depuis lurette avec la soubrette,
Elle vit de rien, quelques pauvres fruits,
Des légumes qu’on cultive en cachette.

Aux cloches de Pâques pourtant les chocolats
D’un bon pâtissier, les régaleront là,
Les bambins chenapans, les voraces enfants

De générations qui se moquent pas mal
De tout le tralala des vieux éléphants.
Un à un vont s’éteindre tous les feux du bal.

VI.

Aux ruelles jaunies, l’été est revenu.
Il balance du plomb, de la vraie mitraille.
Mais où sont les saisons ? Qu’est-il donc advenu ?
Aux fauteuils du salon, un chat s’étire, baille.

De son pas nonchalant, il glisse au couloir.
Il parcourt les trophées d’un œil qui s’affole.
La faim le tenaille depuis quatre soirs.
Et c’est de soif que sa langue lui colle.

Par les persiennes de la chambre calme
On voit danser l’ombre d’une grande palme.
Le minou se tient au seuil de la porte.

Le constat animal tombe clair, froidement.
De la canicule, Madame est morte,
Digne, toute seule au dernier moment.