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Jean-Bernard FORISSIER

Alchimie des souvenirs.

À, C. B.

Toi, le poète aux gerbes maladives,
Assailli de démons, à l'angoisse trop vive,
Qui te grises de lunes autant que de vins,
Au génie solaire, sublime et divin ;
Toi dont les spleens sont sans nuls autres pareils,
Tel ton roi sans âge, d'un pays sans soleil,
Que nuls farceurs de viandes ou de mots,
Nuls bouffons, ni savants ni populo,
Ni courtisanes, ni maîtresses offertes,
Ne parvenaient à rendre plus gai et alerte.

Toi, dont le cœur saigne de mille sanglots,
De trop de tourments pour un même cerveau ;
Toi, dont les larmes telle une pluie d'étoiles,
Cachent ton visage, mais ton âme dévoilent ;
Cette âme fêlée, dans la gouttière tantôt,
Puis dans l'eau du Léthé ou celle du caniveau.
Toi, pour qui jamais rien ne fut plus familière
Qu'une ville morte avec son vieux cimetière
Et ses tombes hantées de sinistres souvenirs.
Épouvantails défilant dans d'éternels soupirs,

Tes morts s'agitent, n'en finissent pas de mourir
Et nous livrent tes remords sans cesser de gémir.
Tes pensées moribondes dansent jusqu'à l'envie
Et leurs râles s'échappent comme un chant qui finit,
Mais renaissent sans fin, mais sans vie, mais sans corps.
Tu traînes ces fardeaux ainsi jusqu'à l'aurore,
Pour égrainer à l'aube et jusqu'à l'horreur
Ton chapelet de plaintes, sans feintes pudeurs.
Je souffre pour toi, plus qu'avec toi mais voici
Que l'envie de pleurer, me gagne moi aussi.

Comment peut-on écrire autant de beautés,
Tant de merveilles pour d'aussi noires pensées ?
Quand à mon tour gagné par quelques ennuis,
Quand même en plein jour il se met à faire nuit,
Résonne ta voix triste de fantôme frileux
Et reviennent en bribes tes vers ténébreux.
Tu sais quoi ? C'est à ne rien n'y comprendre,
Voilà que effondré je cesse de geindre ;
Apparaît alors sur mes vitres embuées,
Le doux souvenir des êtres jadis aimés.