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Jacques ROLLAND

Mes petites éternités

Quitte à finir en tourbillon
Dans les chutes niagaresques d’une existence inique
Où je n’aurai que balbutié,
Attardé de tout et revenu de rien,
J’aurais voulu – pourquoi ? je me le demande
Car je ne suis pas dupe des fins dernières,
De l’agonie des espèces, voire même de la mort du soleil
Et autres collisions interstellaires –
Laissé derrière moi quelques traces, soigneusement
écrites, imprimées noir sur blanc, rémanentes
D’une vie aimée tant et désaimée autant,
Tout dégoûté par tant
De crapuleries, mensonges et violences
Qui bourdonnent à mes oreilles, ternissent mon jardin,
Tant d’efforts concertés pour précipiter
La chute annoncée et que d’aucuns
Aveuglés par leur orgueil de créature
Sortie de la cuisse d’un Jupiter belliqueux,
Prennent – j’en suis estomaqué –
Pour une ascension première classe
Vers d’éternelles félicités ! Et même que
Certains pour de telles fariboles vont
Jusqu’à faire feu de tous leurs artifices
Au milieu des foules innocentes.
C’est dire qu’il y a des matins, atroces
Comme une toile de Velickovic,
A renier le jour, à plonger sous les draps,
Retourner comme un hippocampe dans le sommeil amniotique
D’avant les nouvelles de sept heures
Qui vous annoncent la fin du monde
Entre deux spots publicitaires ;
Un raz de marée par ci, un massacre par là,
Que je t’affame au sud,
Te pollue au nord,
Et que je t’arrache les yeux et la langue,
Et que je cours t’exploser la planète au nom de Jéhovah
Et du pétrodollar.
Et allez dire au péril de votre vie à ces esprits
Tourneboulés que la leur est myope
Comme un Singapourien, que l’éternité
Est une courte vue,
C’est flûter pour les sourds ou prêcher dans le Hoggar.
Dire que je m’étais levé, avant ce foutu journal
De sept heures, avec l’innocente intention
D’écrire pour me distraire un peu de la vie
Et de l’inéluctable retour des saisons…
Foin des délices de Capoue comme disait l’autre
Qui me manque, mes petites éternités me suffisent;
Elles ne durent qu’un sourire, un geste, un mot,
Mille autres petits riens qui pardonnent l’existence
Et à la seule évocation desquels mon cœur
De vieil enfant vire encore à la débandade.