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Jacques ROLLAND

La fin des fins

Moins terrifiante que celle de la fin des mondes
Est l’idée de la mort.
Dans un an, dix ans, dix millions d’années
Peut-être, surgie de derrière le soleil,
Quelle imprévisible comète percutera la terre,
Anéantissant toute vie
Et tout vivant pour s’en souvenir ?
Alors plus un seul grimoire ou palimpseste,
Plus le moindre sigle de l’ancienne Égypte
Ou de la vieille Chine, les Tables de la Loi
Effacées à jamais, l’Apocalypse annoncée
Ayant eu enfin raison de son prophète,
Plus la moindre trace minérale des splendeurs,
Plus le moindre fossile suggérant
L’éclatante diversité du vivant,
Brûlés tous les livres, brisées
Les Vénus de marbre qu’on croyait figées
Dans la grâce pour l’éternité, évanouies
Dans la nuit sidérale les cathédrales
Qui semblaient immortelles, fermés
A jamais les yeux noirs des enfants de Renoir,
Plus le moindre écho de la moindre musique
Entre les galaxies, plus le moindre rire
Tintinnabulant entre les planètes mortes…
C’est bien cela la fin des fins,
Celle que nous pressentons dans notre propre mort
Et que nous conjurons dans la jouissance de l’instant,
Le bonheur dérobé d’un baiser
Ou le rire d’un enfant
Entendu derrière un mur,
Un soir d’été.