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Jacques ROLLAND

Circonvolutions

Faux jeton, escobar, vieille anguille !
Je me dis, quitte à finir un de ces quatre
Matins ventre en l'air à la surface du bocal,
Il n’y a plus à tourner autour du mot,
A sonder plus longtemps les fonds abyssaux
De l’aquarium et de la page blanche,
Tu vas me faire le plaisir
– Certes pas le mien, rechignai-je à part moi
Qui sue sang et encre pour démarrer ce tortillard
De poème – de te mettre à écrire illico.
Et de renchérir presto :
- Tu n’es d’ailleurs pas en reste d’inspiration ;
Il y a tant à dire sur la condition humaine :
De l’humeur guerrière des fourmis Tetraponera
A l’inconstance en amour des chimpanzés bonobos,
Tant à gloser sur l’homme, ce singe dégénéré
Capable au demeurant d’un imparfait du subjonctif
Et à la confrérie duquel – Ajoutai-je in petto –
Je suis tenu d’appartenir depuis
Que tout décontenancé mais français bon catholique
Je débarquai en 1950 et des poussières
Sur cette planète, quelques années après
La bombe et l’Holocauste
Et où à part l’avoir échappé belle,
Il n’y avait pas de quoi pérorer.
Et je ne pérorai pas !
Mais rasai au contraire les murs de la cour
De l’école Lemercier où maintes fois
Des indiens de sept ans, farouches descendants
Des poseurs de la bombe, faillirent me scalper
Au prétexte que je réprouvais leurs us et coutumes.
Mais revenons à nos anguilles. Je est un autre
Qui me tarabuste, me reproche mes digressions,
Dubitatif quand je lui rétorque
Que je m’enquiers dorénavant de promouvoir
En littérature un art du bref et du contournement.
– Un art du bref, faut voir ! il me fait narquois.
Car tu noies le poisson et plus que trop je t’assure.
Ton anguille a bu la tasse
Avec les fourmis et les singes.
Alors, pour résister à l’emprise du doute,
Pour ne pas transformer mon poème en cocotte
En papier et mon cœur en bouillie de chiffons,
J’ai bataillé un peu avec les faits,
Prenant l’autre à témoin
De ma nullité en matière d’entomologie
Et de mes connaissances simiennes limitées
A quelques fréquentations déplorables.
(Pour autant j’essayai, mais en vain,
De lui cacher l’abîme de mon inculture
Qui ne se borne pas à la zoologie.)
À la fin j’ai dû convenir avec lui
Que je n’avais pas vraiment d’histoires à raconter,
Sinon sur quelques lignes de portée
Ma petite musique à faire entendre.
Et puis lui avouai-je, dans mon jabot de plumitif
Je n’amoncelle que petits cailloux à jeter dans l’eau.
Pour le plaisir de faire des ronds
Et gagner le large.
Quitte à me perdre en circonvolutions.