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Jacques ICHARD-MAURY

La porte (sonnet exponentiel)

Combien de fois patiemment à cette porte
Aurai-je à l’huis frappé Aurai-je en vain souhaité
Qu’elle s’ouvre entrebâille à peine de la sorte
Que si l’espoir n’est pas l’ultime vanité
Un doux parfum d’aurore à mon esprit apporte
Le baiser salvateur à ce cœur dépité
Ce souffle menant barque à l’île des fins mortes

Tu es venue Je t’ai perdue La porte est close

Bien des chemins j’ai parcouru par vaux par monts
Quelquefois je fus l’hôte accueilli à la table
Bien souvent les yeux d’ange éveillent les démons
Et le moment vécu n’est plus que faible fable
Qu’importe le vouloir quand têtus nous sommons
La route d’abréger l’infini qui accable

Le fleuve emporte la poussière entre ses bords
Qui se laisse emmener vers la mer de silence
De désir elle oscille à tribord à bâbord
Son impuissance la réduit à cette danse

A quoi sert la mémoire à n’offrir que l’amont
Ce qui fut doux et gai en devient exécrable
Et frotter de l’espoir ce qui reste au limon
Ne rend jamais ni le cœur ni l’amour arable
J’envie parfois la lutte acharnée du saumon
Début et fin unis en sa geste passable

Tu es venue Je t’ai perdue La porte est close

Je m’alourdis de tout cela qui loin m’emporte
J’ai beau avoir vaillance et le nerf excité
Nulle oreille n’entend lorsque las je l’exhorte
Est-ce pour trépigner que j’aurais existé
Les rêves et les mots en infâme cohorte
Seront l’inerte faix dont j’aurai hérité
Lors que de mon attente tu te réconfortes.