Quadriptyque en rouge
Fleuve d’eaux vives, fontaine sacrée,
Tu abreuves de tes nappes vermeilles,
Les champs brumeux là où la vie s’éveille.
Liqueur vivifiante en nos corps comblés,
Tu circules longtemps avec vigueur,
Inlassable échanson de notre cœur ;
Qu’il batte la chamade ou qu’il pleure,
Tu le baignes, précieux sang, d’heure en heure.
D’odieux prédateurs, experts en carnage,
Se délectent, fiévreux, de sa couleur.
Ils aiment s’ébrouer en bons sauvages
Dans les bourbiers cramoisis de douleurs,
Saccageant, nécrophiles dégoûtants,
Ce fin labeur des orfèvres stellaires
Qui, patiemment, au cours des millénaires,
Ont façonné les plus beaux ornements.
Que le ciel s’embrase aux feux des désirs,
Que la cendre frémisse au fond des urnes,
Rien ne peut altérer l'éclat diurne,
Perle écarlate, ô doux souvenir,
Reflet subtil de nos tendres émois
Qui, dans nos rêves, enlumine parfois
Ces frêles arcanes de la mémoire
Agrippée au beau passé illusoire.
Combien ô beau fanal as-tu guidé
Les grands espoirs des peuples opprimés !
Du Thrace* en colère au prince** exilé,
Des serfs*** révoltés au Champ**** des fusillés,
Au fond des braseros ou des bûchers,
Pétillait l’amour de la liberté.
Qu’en reste-t-il en ces temps si débiles ?
Un timbre-poste désuet, futile…
*Spartacus.
**Kropotkine, théoricien anarchiste.
***Guerre des paysans,Allemagne,XVIème S.
****Fusillade du Champs de Mars, Paris,1891.
