Lascive sorcière, ses suaves soupirs Ensorcelaient les saints, suscitaient le désir, Ses puissants sortilèges fascinaient féroces Ses encenseurs cernés par des songes atroces,
Et ce sphinx insensible aux humaines souffrances Rôdait nonchalamment dans les caveaux branlants, Adressant un sourire aux stèles des amants Qu'elle s'imaginait moisir en pestilence,
Mais cette cruauté n'étonnait plus personne Car chacun en son fort connaissait son malheur, Semence du pendu que le sort abandonne A ces corbeaux ravis de lui becquer le cœur,
Infecte racine aux membres disgracieux, Mandragore vivait dans un fossé profond Auprès des charognes exhalant des poisons Qui la berçaient de leurs gargouillis nauséeux,
Découverte au hasard par un savant fébrile, Un ennemi juré du lointain créateur, Fouillant les viscères, obstiné et hostile, Pour trouver le secret d'une vie sans douleur,
Ainsi transforma-t-il l'homuncule difforme Pour le sublimer en immortelle forme, Une beauté radieuse offerte aux fils d'Adam A jamais amoureux d'un être malfaisant,
Il mourut satisfait de son œuvre fatale Sans jamais se douter de son affreuse erreur, Il enfanta un monstre à l'allure impériale, Qui les matins, de joie, arrachait tant de cœurs.