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Giovanni BENINI

La fille de Noë


Elle s’engouffra soudain dans la sombre caverne
Toute dénudée, son corps blanc frissonnant
Des caresses glaciales d’un vent violent
Ses cheveux dorés brillaient comme une lanterne

Ils étaient bien tous là, tapis tels des grands fauves
Des vieux briscards grinçants de leur dents faisandées
Des bikers avachis au cortex tatoué
Et quelques vieilles bigotes aux babines mauves

Ils l’ont reluquée avec leurs phares lubriques
Puis, ils l’ont touchée de leurs pinces impudiques
Elle restait insensible comme la sphinge
Qui veille au long repos des morts dans leur syringe

Alors, ils l’ont chiffonnée hurlant leur rage
L’ont recouverte de bave et de détritus
Ricanant grassement de son doux pucelage
Ils ont brûlé ses cils, profané sa vertu

Mais elle ne bougeait pas, ils s’en sont lassé
Ils ne voyaient pas les perles qui ruisselaient
L’or de ses paupières, les rubis de ses seins
Ses lèvres en vif argent, sa toison de satin

Comme elle était venue, elle partit en silence
Les laissant patauger, immondes phacochères
Ils n’entendaient pas les grondements de la mer
Les orages fougueux, les éclairs qui s’élancent

Sitôt qu’elle avança vers le rivage obscur
Son corps s’aggrandit jusqu’aux plus hautes toitures
Et se mêla aux vagues, à leur crinière blanche
Atteignit les sommets où rugit l’avalanche

Ce fut une tempête, un typhon, la tourmente
Qui s’abattit furieux dans un fracas d’enfer
Sur le bouge hideux , et un cri de démente
Traversa les décombres et envahit la terre.