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Etienne CHAMPOLLION

Passé la jeunesse

Passé notre jeunesse et l’hymen éclairci,
Nous sommes naufragés et nous restons ainsi
A toujours rechercher dans les mers insipides,
Le bonheur de naguère à nos amours limpides
Et leurs baisers aussi !

Les portes de nos cœurs autant que de nos âmes
Ne savent se renaître aux lendemains des flammes
Eteintes de l’oubli, éteintes de l’enfant
Qui au soir hurle en cris dans un noir oliphant
Sa défaite et ses drames !

Ainsi est fait le temps, ainsi est fait le sort
Et nous irons rampant jusqu’à tombeau qui dort
Usé et laminés d’absences et d’automnes,
Où tout fait se répète, où des vents un peu jaunes
Font attendre la mort !

Voyez vous chère dame autrefois demoiselle
Que je vous ai cherché à crever ma cervelle
Par delà le voyage et son doux souvenir
Qui jamais ne revient – N’allez pas me punir
Restez encore belle !

Car c’est dans ce portrait tant prié qui ne mute,
Dans ce rêve menteur que je mande ma chute,
Car il n’est plus de paix, car il n’est plus d’oubli
Passé notre jeunesse et le deuil établi
De la première lutte !

Au paradis peut-être et encor je ne sais,
Satant portant parfois d’intenables excès
Où l’on emporte aux cieux que de vertes fatigues
D’avoir couru le rêve au delà de ses digues
Sans le moindre succès !

Ha l’infini naufrage et l’immense torture
L’homme ne sait aimer sans se faire blessure
Sans pleurer et cela jusqu’au plus loin tombeau
Où toujours insoumis le passé au plus beau
Lui revient et susurre

Le bonsoir du corbeau !