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Etienne CHAMPOLLION

Les pauvres rues

A vous les sénateurs, à vous tous les ministres,
Qui baissez le regard sur autant de sinistres :

Savez-vous les faubourgs où suinte la pitié,
Là où sous les balcons comme arrosés de larmes,
Poussent des cris d'effroi, miséreuses alarmes ;
Là où même les Dieux gueulent l'inimitié !

La nausée et la honte en des fleuves puants,
Le long des caniveaux tout lentement s'écoulent,
Et l’on voit des marmots qui dans ses eaux se saoulent,
A inventer la mer, leurs grands rêves suants.

Entrez dans les maisons, voyez les sépulcraux
Thermites bien heureux dans les poutres mourantes,
Et sous leurs bruits crispants, sous des lunes absentes,
Une famille entière attend des jours nouveaux.

Portez votre regard vers les cieux épuisés,
Vous n’y verrez pleurant qu’un firmament macabre,
Ici point de soleil, seul un rayon se cabre,
Celui du réverbère aux néons enlisés.

Des caves délabrés où ne vit que l’ Ennui,
Lui ce monstre horrifiant, belle mère du crime,
Car quand le vide est là dans sa candeur sublime,
L’on jouit du sang coulant aux aubes de la nuit.

Des quartiers charbonnés tels uniques tombeaux,
A de muets mendiants les assiettes brisées,
Qui, les amours, les mains, au soir, décomposées,
Se laissent emporter au milieu des corbeaux.

Mortuaire bastion comme au seuil de l’enfer,
La faucheuse elle-même y a fait sa demeure ;
Et ce petit enfant dont la mort sonne l’heure
Torturé de ses pleurs sans jamais voir l’Ether.

Puis ce parfum pourri, lugubre et grandissant,
Qui s’invente une linceul telle une brume épaisse,
Où tombe en vieux pantins sur un sol en tristesse,
Votre peuple, TON PEUPLE au cœur pur hennissant !