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Etienne CHAMPOLLION

Le port

Dans les brumes épaisses des nuits océanes,
Des fusbans éclatants sur les rives du port,
L’on entend les marins qui hennissent en ânes ;
Des fistots embiérés qui pissent sur la mort.

Leurs barques n’étant plus que des tables trop noires,
Ils y cognent leurs poings entaillés de fusain,
Déchirant la misère, inventant mille gloires,
Au cœur des quatre murs d’un vieux café malsain.

Tout près d’un sombre dock se fument des cigares,
Comme on allume un monde aux bien âtres couleurs,
Rêvant à Magellan sous la lueur des phares,
Et sans savoir pourquoi, des yeux sortent des pleurs.

L’on mange et l’on dégueule en des immenses gerbes,
Des poissons effrayés aux étoiles d’Orion ;
Du plus vieux capitaine aux matelots imberbes,
L’on chante ces douleurs en une même union.

Puis ils ouvrent le rhum comme un divin apôtre,
Tous voguant en puant sur des vagues d’alcool ;
Naviguent en boitant d’une taverne à l’autre,
Pour tomber ivre-mort sur des flaques au sol.

Ils dansent en rotant, riants de leurs dents jaunes,
Du bourgeois crapoteux au fond de son hôtel ;
Embrassent les tonneaux et baisent les aphones
Putains, qui pour un sou s’adonnent au charnel.

Ainsi ivre de vin, ainsi ivre de femmes,
Jusqu’à tâcher l’aurore et sa blanche vapeur,
Le Port se gave et jouit de cents plaisirs infâmes,
A narguer les enfers, la misère et la peur !

Un ptit clin d’œil à toi Jacques