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Etienne CHAMPOLLION

A Madrid

Elle est venue la tombe où même Satan pleure,
Où l’Enfer tout entier prend une nuit de deuil ;
La nature immobile, émue ainsi que l’heure,
Déposent un silence au premier cercueil.

Il est venu le jour où s’aversent des larmes,
Et nous pleurerons tous jusqu’à remplir les seaux ;
Que fleurisse la rose aux sommets de nos armes ;
Que de la paix l’on fasse imprimer tous les sceaux.

Elle est venue cette heure où le caveau refuse,
D’entrouvrir sa tiédeur, un malade écœuré
De l’homme pourrissant sous les vents de l’excuse,
Même le plus beau ver ne veut le pénétrer.

Elle est venue l’immonde empreinte de folie ;
Combien de pourpres corps, combien de pauvres croix ?
Ce n’est même pas là de la mélancolie,
C’est un néant crachant tout son dégoût sans voix.

Il est venu le temps du vivant cimetière,
Cortèges infinis où le serpent se mord ;
Il nous faudra un mot plus fort que « meurtrière » ,
Il nous faudra un mot plus glacial que « la mort ».

A Madrid nous irons embrasser la colombe,
A Madrid nous irons au-delà du sanglot,
A Madrid nous irons au-delà de la tombe,
A Madrid, A Madrid où le sang coule à flots.