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Dorothée PASTUREL

La soeur sauvage

A l’orée des bois ne s’entend-elle pas
Cette partie d’âme silencieuse d’avoir vécu,
Peinée d’avoir vu ce flot de hauts et de bas ?
Ne la devinons pas gémir, elle, l’immuable ingénue ?


Dans les rapides et sous la roche,
Gît la folle insolente drapée de sang.
Il lui en faut trop pour qu’elle s’accroche,
Si peu pour s’enfuir dans le torrent.


Sur la rive, sous les arbres et le temps,
Une sœur immobile observe la danse
Du plaisir châtié à l’aube et au couchant.
Jalouse et désenchantée, elle tire sa révérence.


Elle, n’a pour rêve, que l’aspérité des substances,
Pour ordre, que la probité et la vertu.
Elle admet la lueur du frisson qui naît de la panse,
Mais réprouve son feu, son vu, son vaincu.


Son autre convole déjà avec le courant,
Nie l’errance et sa conscience,
Récuse le non et l’atermoiement,
Et jamais n’enfreint les lois de l’insouciance.


Elle va se perdre en des lieux aux mille couleurs,
De l’autre côté du monde, de ses humains,
Là où le soleil dépose ses copeaux de langueur,
Et où les nymphes assiègent leur destin.


Sur elle passe l’onde cristalline, la valse irisée
D’une houle sans fin défiant l’azur et la clémence.
Sur elle s’oublient les larmes d’une pâle destinée,
D’une foule spectrale priant la lumière et l’espérance.


Il n’est pour la chimère d’endroit plus extraordinaire
Que celui où l’échouent ses sens alanguis.
Les chemins du possible se nouent en une toile tentaculaire
Et bientôt, l’insecte cerbère tissera son vil paradis.


Car il n’est d’autre sort pour la proie aux délices
Qu’une morsure insane de scélérat.
Le temps a jeté son mystère aux immondices,
Et les abysses humaines achèvent le trépas.


La sœur sur la rive s’en ira voir la fleur de l’âge,
Le chrysanthème de l’âme des bas et des hauts.
Elle s’en ira cueillir la sœur sauvage,
Et, au creux de sa main, ouïra encore le son des eaux.