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Christian DUFOURD

Deux

Les reflets comme dans un miroir,
Que la surface de la rivière renvoit,
Sont si parfaits que ce soir,
Les arbres et le ciel vivent deux fois.

Une faible brise souffle tièdement,
Emportant vers la rivière une poussière
D’or perdue dans l’eau claire.
Ma barque dérive, au souffle du courant.

Je mets des lignes à l’eau sans succès
Depuis le matin de cette chaude journée.
Et là, je repense en changeant un leure,
À cette histoire qui me vient d’un pêcheur.

Le vent au souffle tuberculeux et fade
Secoue à peine les peupliers de façade,
Et sur la rivière, l’eau est si immobile
Que j’y distingue mon visage effrayant et vil.

Non ! je ne puis être ce vieillard triste
Qui simplement termine son tour de piste.
Des rides creusées et une expression de dureté;
Image échappée d’un mélodrame usé.

Je m’étonne de la saleté de mon vêtement,
Du chapeau comique que j’arbore.
Je me regarde avec mépris, vraiment.
Et suis fasciné par mes yeux morts.

La rivière est maintenant noire
Et le soleil couchant et lointain
N’est plus qu’un détail incertain.
Le temps s’est évadé sans histoire.

Puis un bateau un peu plus loin,
Semblable au mien en tout point.
Une silouette humaine y est assise,
Toute résignée et conquise.

Cet étranger ne l’est pas tant
Et je l’admets en ce terrible instant :
Je suis ce fou qui sous la lune morose,
Hurle et chante ces tristes choses.