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Chimay ORDUVAL

Yggdrasil

Il leur aura fallu l'éternité d'un songe
Apprivoiser du coeur de tendres lendemains
Sous les neiges en fleurs des boutons d'eau de rose
D'un nuage élogieux le joyau souverain

Un aveu cristallin vers la jeune lumière
Glissé dans un feuillage arrosé de reflets
Un mot doux mais sans tain parsemé de mystères
Allongé frissonnant dans la baie des secrets

Il leur aura fallu dans leurs yeux diaphanes
Un zeste de ciel bleu pour se perdre en chemin
Et si peu, presque rien, à peine un filigrane
Juste assez d'allusions pour se tendre la main

Et quand l'astre argenté nous dévoile ses charmes
À la source où ruisselle une ardente blessure
Pourrait-on rêver mieux comme ultime refuge
Pourrait-on rêver mieux qu'un feuillage de larmes ?

Car la pluie crépitante embrase le silence
Depuis que l'arbre-monde a semé l'oiseau-lyre
Le phénix musicien le gardien des nuances
Aux abords des confins du royaume invisible

C'est la magie de l'onde exaltée par les druides
Un vertige enchanteur se révèle à nos sens
On discerne des fées les nuisettes liquides
Dénudées par l'averse et les ombres qui dansent

Troublées par le rideau de l'élixir céleste
Les nymphes délurées exhibent leurs corps fluides
L'ondine intimidée se déhanche en souplesse
Le jeune papillon oublie la chrysalide

Car la pluie crépitante est une ombre qui danse
Une voile agitée par la force d'un rire
Un murmure éternel d'où jaillit le silence
Et qui vibre sans cesse et sans cesse se brise

Il leur aura fallu l'éternité d'un songe
Pour libérer la nuit des sangles du matin
Un automne de fleurs, un hiver d'eau de rose
Sous les neiges en feu apaiser leur chagrin

Il leur aura fallu dans leurs voix diaphanes
La douceur enchantée des flûtes de satin
Et si peu, presque rien, à peine un filigrane
Le langage muet d'un passé sibyllin

Et quand l'astre transi se réchauffe en décembre
À la source où succombe une ardente blessure
Pourrait-on rêver mieux comme ultime lecture
Que le livre infini de tes lèvres qui tremblent ?