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Bernard MAZELIN

Les disparus.

Les disparus.

Feuilles de papier, par le vent, emportées,
Mots dispersés, perdus comme fruits tombés,
Trop tôt ou trop tard, trop acides ou trop mûrs,
Personne n’en a cure ou ne les a cueillis.

De ces mots sans échos, qu’un silence tarit,
Il y a tous ceux, flétris, qui ont dépéri
De n’avoir avoir jamais assez été prononcés,
Des mots ardents, enflammés, brûlants de vie
Qui se sont assoupis, éteints, asphyxiés,
Des mots réduits en cendres, faute d'ardeur,
Faute d’audace, de courage, de vigueur.

Il y a ceux de gens qui, tout seuls, concluent
Dans la crainte de réponse inattendue.
Il est des mots tendres, trop naïfs, cajoleurs,
Croqués des ogres d’encre fraîche, amateurs.

Il est des mots, au cœur des rêves, surpris nus
Qui, les chanceux, ne sont sur le névé, gelés.
Des mots graves et forts, froidement abattus ;
Des mots menaçant le mensonge, ampoulés.
Il est des mots, très secrets, qu’on a torturé
Pour les faire parler, tourmenté, défiguré
En lieux qui nous échappent et sans arrêt.

Il est tous ces mots délicats, effarouchés,
Qui, dans la gorge sont restés fichés, noués.
Il y a tous ces mots qui n’ont jamais trouvé
Une voix, un verbe, voire leur complément
Et, sont morts de solitude, d’isolement.
Et ceux qui, dans l’oreille d’un sourd, sont tombés,
Ceux qui se sont tus, par le vacarme, plombés.

Je vais en ce jour des saints morts, m’agenouiller,
Ici, là et partout où ils gisent, prier,
Prier avec ceux qui restent, qui sont sauvés,
Des mots dissidents, insensés et indomptés.
Prier pour que leurs pétitions renaissent,
Pour que leurs joies, leur humour réapparaissent,
S'acharnent à troubler, temps et hardiesses.