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Bely SAMET

Refaire le monde

Et si à présent, l’on jouait à refaire le monde
Comme on aime à le faire quand on a 5 ans,
On y dessinerait une jolie maman,
Un rond pour la tête, un large sourire banane si craquant,
Des bonhommes de toutes les couleurs,
Un grand château avec ses chevaliers, ses attaquants,
Et dans un coin, à toute allure on gribouillerait
Des tas de ronds pas ronds, s’entrechoquant.

Et si ce matin l’on décidait de refaire le monde
Comme on aime à le faire quand on a 15 ans,
On tracerait les bornes d’un pays sans limites,
Sans interdit où tout se devrait d’être amusant,
Un tableau dont les parents seraient absents,
Aucun devoir et des profs super complaisants,
On y verrait juste l’essentiel, la bande de copains,
Un point c’est tout, et c’est bien suffisant.

Et si ce midi l’on se voyait refaisant le monde
Comme on aime à le faire quand on a 20 ans,
On y mettrait l’espoir d’avoir trouvé sa voie,
Sa vocation, ou un travail lucratif mais excitant,
On se plairait à réaliser tous ses projets,
On s’en établirait de nouveaux, des plans à vingt ans,
Et l’on dirait que ce n’est pas un bel âge dans la vie,
Concept stupide et irritant.

Et si ce tantôt l’on tentait de refaire le monde
Comme on craint de le faire quand on a 50 ans,
On prendrait son temps pour souffler, faire le point,
Sans être encore trop inquiet pour autant,
On établirait un premier bilan, prévision-réalité,
Débit-crédit, résultat pas toujours palpitant,
Qui vous alerte que les jeux sont presque faits
Et qu’il ne vous reste plus beaucoup de temps.

Et si ce soir l’on se risquait encore à refaire le monde
Comme on s’y essaie quand on a 70 ans,
On continuerait ce long chemin escorté
De quelques douleurs et rhumatismes fort déplaisants
On serait des retraités actifs,
Débordés comme il se doit,
Constat : Etat des lieux satisfaisant,
On se dirait qu’on a la chance d’être deux, amoureux,
Avoir son conjoint toujours présent.

Et si cette nuit l’on se décidait à réécrire le monde
Comme on se devrait de le faire à plus d’ans,
On penserait à regarder différemment,
De l’autre côté du miroir, plus loin, au-delà de l’évident,
Sans se hâter, commencer à s’éloigner, boucler la boucle,
Laisser la place à ses descendants,
Les écouter avec le cœur et accepter de cheminer
De plus en plus lentement en attendant…